Que fait un agent d’entretien ?

Avec le début d’un nouveau confinement, depuis le vendredi 30 octobre, les universités ne donnent plus de cours en face à face aux étudiants. Seules les bibliothèques et les bâtiments universitaires restent ouverts. Dans ce cadre presque vide, les ouvriers de maintenance de ces lieux continuent à travailler. Pour la majorité des employés par l’intermédiaire de sous-traitants, ils ont le sentiment qu’ils sont laissés sur la tuile. Forcés de faire de l’exercice avec crainte de contamination depuis le début de l’année scolaire, leur travail n’a pas encore été réévalué et leur situation reste invisibilisée.

Depuis les années 80, un marché du nettoyage s’est développé en France et ne cesse de croître avec un mouvement d’externalisation. Bien que le nettoyage soit une activité peu qualifiée, les métiers de l’entretien sont de plus en plus soumis à une forte concurrence en raison de la multiplication des sous-traitants spécialisés. Avec le durcissement des normes techniques de nettoyage, les entreprises ont diversifié et spécialisé leurs activités. Le marché représente plus de 16 milliards d’euros en France et emploie plus de 500 000 personnes. Suivant la tendance générale, les universités font appel à des sous-traitants, tels que la propreté du Cervin pour les Universités de Lyon. L’utilisation de ces entreprises par le biais d’appels d’offres permet aux universités de ne pas embaucher directement de personnel, ce qui permet de réaliser des économies budgétaires.

Une situation exacerbée par un environnement ultra-compétitif

Le boom de l’industrie cache une réalité plus précaire pour les salariés, avec des conditions de travail défavorables. Ainsi, la relation devient triangulaire entre les universités, les sous-traitants et leurs employés, avec une contractualisation pour eux en termes d’obligation de résultats. Cette externalisation est faite au détriment des salariés qui perdent leur statut de protection (congés payés, accès à un emploi mutuel, stabilité de l’emploi).

En particulier, les entreprises d’entretien recourent à une utilisation abusive à temps partiel et obligent les employés à se déplacer à différents endroits (un tiers des salariés du secteur travaillent dans plusieurs entreprises à la fois, et la moitié accumulent deux emplois). Avec le système d’externalisation, les agents de maintenance se suivent sur le même site. Cela renforce leur isolement et la difficulté de s’organiser collectivement pour la valorisation de leur travail. Pourtant, avec un salaire moyen brut d’environ 1 600 euros par mois, de nombreux travailleurs de l’entretien sont confrontés à des difficultés économiques.

La forte proportion de femmes dans le secteur, souvent âgées de plus de 45 ans, accroît la fragilité sociale des salariés du secteur. Saphia Doumenc, doctorante sur la question du syndicalisme dans le secteur du nettoyage au laboratoire Triangle (CNRS), explique à LVSL : « 80% des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes. Ce sont souvent des femmes qui sont prises dans des situations de vie plutôt précaire, elles ne peuvent se permettre d’être licenciées. Ils vivent vraiment dans l’urgence mensuelle. Et c’est aussi une main-d’œuvre très interchangeable ».

Face à cela, les entreprises sous-traitantes du secteur n’hésitent pas à utiliser des moyens de pression pour dissuader toute revendication, comme l’indique l’étudiant au doctorat :

« Il s’agit de pratiques plutôt frauduleuses de l’employeur, s’il y a une préoccupation à l’égard de l’employé, ils peuvent congédier très rapidement sans soucis. Par exemple, en recourant à de fausses lettres de témoignage de collègues, qui servent de motif de congédiement pour inconduite.

En ce sens, le syndicat CNT-SO souligne à LVSL qu’il y a eu une augmentation marquée des licenciements dans le secteur du nettoyage à Lyon depuis le début de l’épidémie de coronavirus : « De nombreux licenciements économiques sont déguisés par une multiplication des micro-reproches en un seul coup pour pouvoir monter des fichiers, en afin de congédier les personnes pour faute grave ».

Depuis le début de l’école, une pression supplémentaire au travail

Dès le début de l’école, l’épidémie du coronavirus avait forcé les universités à élaborer, ou plutôt à bricoler, des protocoles et des enseignements qualifiés d’hybrides, combinant des cours à distance et des cours en face à face. Sur les campus, distribution de masques lavables, pour marquer la distance physique, la disponibilité de gel hydroalcoolique étaient en effet les seules mesures qu’ils ont pu prendre.

A Lyon, l’introduction de ces nouveaux protocoles exigés par le gouvernement ne suffit pas à rassurer les travailleurs de l’entretien qui sont entre 80 et 100 sur chaque campus. Ce sont les sociétés contractantes qui fournissent l’équipement aux agents, en fonction des recommandations ministérielles, mais sans instructions des universités. Louise*, quarantaine, travaille à l’Université Lyon III depuis 2010. Elle témoigne : « Nous avons de nouveaux produits spécialement pour la désinfection, aussi du gel pour les mains, nous nous lavons les mains, nous avons tout, mais nous avons peur ». Isadora*, qui travaille sur le campus des quais de l’Université de Lyon II, complète : « Les nouveaux produits me rassurent un peu, sachant qu’ils sont contre le coronavirus. Il nous rassure d’avoir les chemisiers, les charlottes, les produits désinfectant mais je fais vraiment attention aux poignées de porte et parfois quand je rentre à la maison, avec toutes les tables, les gens qui passent, ça me donne des palpitations, ça fait peur à quoi ». Le poste d’agent de maintenance était déjà l’un des plus exposés aux risques physiques avant la pandémie, y compris les risques infectieux. Selon le Ministère du travail, neuf employés sur dix sont à risque sur leur lieu de travail.

Parallèlement à cela, la situation est parfois psychologiquement difficile. Sur le terrain, le sentiment d’être négligé est écrasant. Ces collaborateurs regrettent particulièrement le manque de surveillance de leur situation personnelle, comme Isadora* : « Nous avons trop peur, j’en ai trop peur. Quand je rentre à la maison, j’y pense toujours parce que j’ai mon mari qui est très malade, très fragile. Il est diabétique, paralysé après un AVC. Pendant 4 mois, je n’avais pas travaillé, le médecin d’ici et son médecin nous avaient donné deux certificats de sorte que j’ai cessé de travailler. J’aimerais avoir l’occasion de prendre ma retraite parce que je commence à avoir peur. Pour moi déjà ». La question de savoir si le droit à se retirer du travail existe pour les agents entretien, leur permettant de refuser d’exercer si l’environnement de travail présente un risque ou un défaut de protection pour l’employé, il est en réalité difficile de l’obtenir. Pierre, développeur syndical de la succursale lyonnaise du syndicat CNT-SO, auquel sont syndiqués certains agents d’entretien de l’Université Lyon I, explique : « Ce sont des procédures d’arrestation maladie gérées par la CPAM (CPAM) mais c’est le problème, le CPAM a une vision du cas spécifique contact. Si la personne travaille tout en étant protégée, elle n’est pas considérée comme un contact ».

Pourtant, le risque de contamination est aussi une crainte quotidienne des travailleurs de l’entretien à l’université. Cela représente une charge mentale supplémentaire à l’extérieur du lieu de travail une fois que je rentre chez moi, comme le dit Isadora* : « J’essaie de prendre des dispositions à la maison pour empêcher mon mari de l’obtenir. Ce sont mes enfants qui l’aident parce que je travaille, je ne peux pas ».

Au-delà du risque de contamination dans la , la fermeture d’universités présente également le risque de transfert de site pour certains des agents d’entretien embauchés par les sous-traitants. Une situation plus que précaire qui mérite de remettre en question le recours de plus en plus fréquent à la sous-traitance du personnel par les universités.

*Afin de préserver l’anonymat, les prénoms ont été échangés

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